Un débat démocratique aura-t-il lieu avant les élections ?
Acte I. Les socialistes occupent le terrain. L’idée de la primaire était excellente – les socialistes doivent une fière chandelle à M. Montebourg. Les socialistes ont mobilisé les médias à faire pâlir la droite d’envie. On a même failli croire un moment qu’ils étaient prêts à gouverner – avec un programme obsolète avant même d’avoir été expliqué et défendu, d’accord, mais enfin…
M. Sarkozy a-t-il lieu d’être mécontent de cette résurgence socialiste ? Pas sûr. L’ego de ses supplétifs de l’UMP a un peu souffert, bon… mais l’initiative du camp adverse a marginalisé les petits partis de gauche et rendu leurs candidats inaudibles. Or l’intérêt du pouvoir en place, c’est de légitimer deux, et uniquement deux challengers en rejetant les petits contestataires dans l’ombre et le silence.
Acte II. M. Sarkozy prend le relai. Le sommet européen, le sommet du G 20, la crise permanente de la dette, autant d’occasions pour le pouvoir d’envahir les médias et, pour les électeurs de droite, de raisons de serrer les rangs. En cas de guerre, tout le monde derrière le chef. Et nous sommes en guerre, n’est-ce pas ? Mission accomplie, en quelque sorte…
M. Hollande se plaint-il de ce retour en force de la droite gouvernementale ? Après avoir annoncé benoîtement une diète médiatique – un lapsus ? – il fait mine d’être présent et de riposter tout en prétendant ne rien révéler de son programme de peur… d’être pillé ! A l’évidence, il n’est pas prêt – a-t-il manqué de temps pour se préparer ? Autant pour lui faire d’une faiblesse une force : une fois l’investiture acquise, se donner le temps de s’inventer un projet.
Nous sommes donc dans la pure politique spectacle. M. Sarkozy fait une remarquable intervention télévisée où il décrit comme un succès un sommet européen qui ressemble plutôt à un demi-échec. M. Hollande qui n’a rien à dire sur la crise réunit une poignée d’économistes – une profession reconnue, surtout depuis 2007, pour la solidité de ses analyses et la sûreté de ses prévisions – dans un séminaire d’où, évidemment, aucune fumée blanche ne sort, mais ça n’empêche pas la presse dévouée de faire un article comme si quelque chose s’était passé.
En 2007, on pouvait s’interroger sur la personnalité politique de M. Sarkozy : grand réformateur doté d’une vision et d’un courage inhabituels ou joueur de claquettes aspirant seulement à exercer le pouvoir ? A la lumière de quelques réformes que ses prédécesseurs s’étaient bien gardés de lancer (la loi sur l’université, la réforme des retraites, la réforme de l’imposition des entreprises, la réforme des collectivités locales), on doit lui reconnaître une certaine vision et la volonté d’exploiter les occasions quand elles se présentent. Mais les erreurs sont lourdes : soutien de la consommation avec une balance extérieure déficitaire, augmentation du déficit d’un Etat en quasi-faillite, lancement d’une réforme fiscale incohérente, injuste et insoutenable dans le temps… Sans parler des méthodes ni du style.
Du côté de M. Hollande, il y a moins d’incertitude. Comment se satisfaire si longtemps d’une fonction aussi ingrate que celle de Premier secrétaire d’un parti politique et se prétendre homme d’Etat ? Voir M. Zapatero… Un geste suffit à annihiler le message porté par la cure d’amaigrissement : l’annonce de l’embauche de 60 000 professeurs – non pour son coût, comme la droite l’a critiqué à tort, mais pour ses circonstances : aucune exigence de réforme de l’enseignement à la clé (Mme Aubry en a eu le souffle coupé), un geste de pur clientélisme, donc, en direction des enseignants qui étaient invités à bien voter à la primaire socialiste…
Avec le dénigrement de l’adversaire – il en reste toujours quelque chose – immobilisme et clientélisme sont les grands classiques de la république radicale corrézienne. Le Parti socialiste tient son Chirac.
Pas sûr que, la crise aidant, tout ceci ne fasse pas l’affaire de M. Sarkozy. D’autant que le silence des autres partis est assourdissant.
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